DU LOUVRE À LA PLACE DE LA RÉVOLUTION : À L’ASSAUT DES TUILERIES !

Jeudi 14 février 2019 // ► LOUVRE, TUILERIES, CONCORDE... LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

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Vous trouverez ci-contre, en fichiers Word imprimables, l’itinéraire de cette balade avec plan, et les textes des chants des Égaux

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Nous partirons de l’église St Germain l’Auxerrois, place du Louvre

St Germain d’Auxerre fut longtemps l’église des rois de France.
Elle fut aussi, sous l’égide de son curé, un des bastions de la Sainte Union pendant la dictature de la Ligue sur Paris.

St Germain l’Auxerrois par Claude Monet ►
et sous le Second Empire

C’est la sonnerie des Matines, au carillon situé dans la petite tour de droite, qui fut le signal du déclenchement du massacre de la St Barthélemy, le 24 août 1572.

Une émeute eut lieu dans cette église le 24 avril 1617, lors des obsèques de Concino Concini, maréchal d’Ancre, "conseiller" de Marie de Médicis honni par le peuple, assassiné sur ordre de Louis XIII. Son cadavre fut exhumé et profané par la foule.

C’est dans cette église que fut célébré, le 20 février 1662, le mariage d’un certain Jean-Baptiste Poquelin avec Armande Béjart. On ne saura sans doute jamais si elle était la sœur ou la fille de Madeleine, ex maîtresse dudit Molière.

Armande Béjart ►
Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, par Le Brun

Pendant la Révolution, elle devint le siège de la Section du Louvre, puis du Muséum, tenue par le Club électoral. D’abord opposé au robespierrisme et à son "système de l’an II" — c’est-à-dire à la Terreur — sous l’influence de François Vincent Legray (ancien hébertiste) et de Jean-François Varlet (ancien enragé), soutenus par le "journal de la liberté de la presse" de Gracchus Babeuf, il devint en octobre 1794 un des bastions de la lutte contre la réaction thermidorienne. Mais pour peu de temps ; le Club électoral fut fermé après la chute des Jacobins, fin novembre de la même année.
L’église accueillit en 1795 le culte théophilanthropique, et devint pendant le Directoire, en 1798, le “Temple de la Reconnaissance”.

Elle fut saccagée par une émeute, le 14 février 1831, lors d’un service funèbre pour le 11ème anniversaire de l’assassinat du duc de Berry. Une collecte y avait été organisée au profit des gardes suisses blessés en juillet 1830, ce qui avait été interprété, dans le contexte, comme une provocation.

Pendant la Commune de 1871, plusieurs clubs s’y réunirent : entre autres le Club Germain l’Auxerrois, composé essentiellement de femmes, et celui des Libres Penseurs.

Club féminin sous la Commune

Au sommet d’un des piliers, sur le côté gauche de l’édifice, on peut voir une "boule aux rats", curiosité architecturale sculptée en 1435 par Jean Gaussel ; une des trois qui subsistent en France — les deux autres se trouvant au Mans et à Carpentras — mais la seule où les rats rentrent dans la sphère représentant le globe terrestre : une allégorie du mal rongeant le Monde.

Boule aux rats ►

Avant de poursuivre place du Louvre, faisons un crochet par la rue des Prêtres St Germain


17 : Dans un immeuble situé à cet emplacement se tenait la rédaction du "Journal des Débats", fondé en 1789 par Gaultier de Biauzat pour retranscrire, comme son nom l’indique, les interventions et les décrets de la toute jeune Assemblée nationale.
Il eut une longévité étonnante puisqu’il parut, en changeant plusieurs fois de titre et d’orientation, jusqu’en 1944. Toujours plus ou moins conservateur il assura, à différents moments de son histoire, une influence importante tant dans les domaines politique qu’artistique et littéraire. Il fut le premier à publier des romans-feuilletons.
En octobre 1870, il hébergea un bureau d’enrôlement dans le corps des "Francs-tireurs de la Presse".
Au rez-de-chaussée de ce même immeuble se tenait le café Momus, sorte d’annexe du journal où se rencontraient nombre de célébrités politiques et littéraires. Henry Murger y fit se côtoyer les artistes de ses "Scènes de la vie de bohême".

Le café Momus en 1849 ►
La rédaction du Journal des Débats

Pendant la semaine sanglante, en mai 1871, fut fusillé sommairement dans cette rue un des trois faux Jules Vallès qui subirent ce même sort pour leur seule ressemblance avec le journaliste et romancier Communard. Et certains se demandent encore de quel côté était la barbarie !...

Exécution sommaire de Communards pendant la Semaine sanglante ►
Jules Vallès par Jérôme Gulon

Le réverbère du chevet de l’église St Germain qui se trouve à l’angle de la rue de l’Arbre Sec marquerait le centre géométrique de la ville de Paris.

Revenons place du Louvre


3 : Maison natale de Paul Déroulède, ultranationaliste revanchard, président de la Ligue des patriotes, qui tenta de déclencher un coup d’État contre la Troisième République en 1899.

Paul Déroulède ►
et sa tentative de putsch du 23 février 1899

4 : Mairie du 1er arrondissement.
Le 18 mars 1871, jour du déclenchement de la Commune de Paris, Jules Ferry s’y réfugia dans un premier temps, avant de s’enfuir par une fenêtre.
Le 22 elle constitua, autour de Victor Schœlcher et de l’amiral Saisset, un bastion de la résistance de certains députés contre le Comité central de la Garde nationale.
Des négociations y eurent lieu pour les élections de la Commune ; elle échouèrent.
Le bâtiment fut repris par Paul Brunel, général de la Commune, le 24 mars.

Mairie du 1er arrondissement ►

Rue de l’Amiral de Coligny


Elle a remplacé la rue des Poulies, sur laquelle donnait l’Hôtel de Bourbon, situé à cheval sur l’actuelle moitié gauche de la colonnade de Perrault.
C’est de cet Hôtel que partirent les massacres de la quatrième révolte des Cabochiens le 20 août 1418. Épisode sanglant d’une guerre civile peu connue entre partisans des armagnacs et des bourguignons ; une des plus meurtrières pourtant de l’histoire parisienne.
Dans une salle de ce qui était devenu le "Petit Bourbon" eut lieu, le 19 mai 1572, une des premières représentations autorisées du théâtre Italien, jouée par la troupe "I Gelosi", d’Alberto Ganassa, dit Ganache, le créateur du personnage d’Arlequin.

I Gelosi ►
Mezzino, Gilles, Arlequin et Scaramouche par Claude Gillot

Presque un siècle plus tard, Tiberio Fiorelli, alias Scaramouche, y installera sa troupe, de 1645 à 1660.
Lui succèdera celle de Molière qui, avec l’Espy et Jodelet, y séjournera de 1658 à 1660. Poquelin présentera dans cette salle la première des "Précieuses ridicules" le 18 novembre 1659, et celle de "Sganarelle ou le Cocu imaginaire" le 28 mai 1660.

C’est dans ce même Hôtel, comportant alors une des plus grandes salles de Paris, que se réunirent les États généraux le 27 octobre 1614, pour la dernière fois avant 1789. Un peu plus long que nos 5 ans entre chaque élection, mais pour presque le même résultat.

Le Louvre et l’Hôtel du Petit Bourbon ►
Les états généraux de 1614

Dans cette rue des Poulies eut lieu, le 22 août 1572, avant-veille de la St Barthélemy, depuis la maison du chanoine Villemur, un attentat contre l’amiral de Coligny perpétré par un certain Maurevert, mais commandité par Catherine de Médicis sans doute, par les Guise peut-être, et pourquoi pas par les deux. Coligny ne fut que blessé ce jour-là ; mais ce n’était que partie remise : il sera assassiné deux jours plus tard lors de la St Barthélemy.
Le 23 une réunion se tenait au palais, autour de la même Catherine de Médicis, rassemblant le maréchal de Tavannes, Retz, Birague, Gonzague… afin de préparer le massacre du lendemain.
Et le 24, à 3 heures du matin, fut donné le signal d’un des épisodes les plus honteux d’une Histoire de France qui pourtant n’en est pas avare. Comble de duplicité, de nombreux Huguenots furent massacrés alors qu’ils se présentaient en croyant venir défendre le Louvre, et donc le roi, contre les partisans de Guise.

Massacre de la St Barthélemy, l’assassinat de Coligny ►
Un matin devant la porte du Louvre, par Édouard Debat-Ponsan

Sur la rue des Poulies donnait également le vieil Hôtel d’Alençon, dans lequel la duchesse de Retz, une des femmes les plus cultivées de la Renaissance, tenait vers 1565 un salon fréquenté par nombre de poètes.

Claude Catherine de Clermont, duchesse de Retz ►
Plan du Vieux Louvre et des Hôtels de Bourbon et d’Alençon

Dans cette rue se trouvait la Maison du baigneur Bellet, où Gilles du Hamel d’Hatréaumont, dit Latréaumont, et le Chevalier de Rohan descendirent en 1674 pour préparer un complot contre Louis XIV, qui visait à instaurer une république en Normandie d’abord, puis dans tout le pays… Ce complot, soutenu par la Hollande, fut découvert par hasard et tous ses membres furent exécutés.

Sous le règne de Louis XV, à partir de 1757, se tenait dans ces parages le premier hôtel central des postes.

Et c’est là enfin qu’eut lieu, le 5 juin 1832, lors de l’insurrection provoquée à l’occasion des obsèques du général Lamarque — dont s’est largement inspiré Hugo pour ses "Misérables" — un épisode peu connu de notre Histoire. Les "carlistes", légitimistes partisans d’un retour de la royauté, attisèrent l’émeute en espérant que ces troubles serviraient leur triste cause. Et pour ce faire, entre autres manœuvres, un certain O’Reilly, agent provocateur appartenant à la réactionnaire "Société gauloise", distribua des cartouches aux insurgés dans la mercerie que tenait madame Guindet rue des Poulies. Certains leur attribue même à cette occasion — ironie de l’histoire — la première apparition à Paris, en forme de provocation, du drapeau rouge comme étendard du mouvement prolétarien.

Le Palais du Louvre


Nous y entrons en franchissant le pont rétabli au-dessus des fossés, qui furent longtemps comblés, menant par le guichet de la colonnade dans la Cour carrée.

Fondations du vieux Louvre ►
Ouverture du puits dans la Cour carrée

C’est sur le pont-levis oriental de ladite forteresse que Concini fut tué d’un coup de pistolet par Vitry, malgré son armée personnelle de 7000 hommes, le 24 avril 1617 sur ordre de Louis XIII. Ce dernier ne supportait pas l’influence exercée par ce "conseiller" et par sa femme, Léonora Dori, dite la Galigaï, sur sa mère Marie de Médicis alors régente, l’écartant du pouvoir.

"Exécution" de Concini par Vitry ►
Marie de Médicis entourée de Concini et de la Galigaï

C’est également par cette porte que s’enfuit l’ex impératrice Eugénie de Montijo, en digne épouse du "sire de Fisch Ton Kan", le 4 septembre 1870, après la défaite de Sedan et la destitution de Napoléon Badinguet.

Caricatures de Napoléon III, dit Napoléon le petit, dit Badinguet ►

Le 29 juillet 1830, utilisant une trémie installée à l’occasion de travaux sur la colonnade de Perrault, les insurgés, parmi lesquels des étudiants de l’école Polytechnique, affrontent les gardes-suisses commandés par le maréchal Marmont et réussissent à prendre le palais d’assaut.

Assaut du Louvre par la colonnade de Perrault le 29 juillet 1830

Les morts de ces "Trois glorieuses" sont enterrés provisoirement dans une fosse creusée au pied de la colonnade. Il se trouve qu’au même moment, des momies ramenées d’Égypte et mal conservées s’étant dégradées, on profita de la fosse pour s’en débarrasser ; ce qui fait que ces restes plurimillénaires se retrouvèrent par la suite inhumées dans la crypte creusée sous la colonne de Juillet, place de la Bastille, auprès des dépouilles des héros de la révolution.

Fosse provisoire des victimes des Trois Glorieuses ►
Familles venant se recueillir

Nous pénétrons dans la Cour carrée


L’ancien château du Louvre, construit de 1190 à 1202 — à l’initiative de Philippe II Auguste qui voulait protéger l’enceinte vers l’Ouest avant de partir aux croisades — se dressait approximativement sur le quart Sud-Ouest de la cour.

C’est dans cette dernière qu’eut lieu, à partir du 18 septembre 1801, la première exposition industrielle nationale, lors de laquelle fut présenté, entre autres innovations, le métier à tisser de Jacquard. Elle inaugurait ce 19ème siècle de toutes les révolutions ; industrielles certes, mais aussi politiques et sociales...

Ici se rassemblèrent le 29 avril 1871, contre l’avis de leurs directions, environ 10 000 francs-maçons des trois rites, représentant 45 loges, avant de se rendre sur les fortifications pour y planter leurs bannières et tenter une conciliation avec Versailles.
Et le lendemain, 30 avril, s’y déroula une manifestation dite des "Républicains de province", qui réunit dans le même but des milliers de représentants des départements, s’organisant en "Fédération des Associations départementales".

On peut encore voir en surface le puits du donjon de l’ancien château fort, mais surtout visiter en sous-sol les fondations de ce que l’on appelle aujourd’hui le Vieux Louvre.
À l’emplacement de cette forteresse aurait été installé, trois siècles plus tôt, le camp des Vikings de Siegfried pendant le siège qu’ils firent de Paris en 885. C’est une des origines possibles du nom de ce lieu ; le mot "lower", qui désigne une fortification en langue germanique, s’étant éventuellement transformé en "Louvre". Une autre hypothèse le ferait dériver du "lupura" latin : chenil destiné à la chasse au loup.
En 1368, Charles V le Sage fit aménager dans la tour de la Fauconnerie, qui prit alors le nom de tour de la Librairie, une bibliothèque qui constitua le noyau initial de la Bibliothèque Nationale.
La salle St Louis est aujourd’hui le seul vestige en surface de la forteresse du Louvre.

Le Louvre de Charles V

C’est François 1er qui fit du Louvre la résidence des Valois, après moult transformations.
Mais après que la famille royale ait quitté ce lieu incommode du fait de l’immensité de ses appartements, il fut occupé par une colonie d’artistes — dont Jean-Baptiste Greuze — qui y emménagèrent en toute liberté. La Cour carrée prit des allures de caravansérail.

Ce ne sera que sous la Révolution qu’il deviendra le "Muséum".
Dès 1640, Richelieu y avait installé dans la Grande galerie l’imprimerie royale, qui devint plus tard Imprimerie nationale.
De 1672 à 1805, les salles Puget et Coustou accueillent l’Académie française, dont Voltaire sera nommé président le 30 mars 1778.
Le 15 septembre 1736, Jean-Sylvain Bailly naît au Louvre où ses parents jouissent d’un appartement en tant qu’artistes peintres. Astronome, membre de l’Académie des Sciences, il sera le premier président de l’Assemblée nationale, puis premier maire de Paris. Il mourra guillotiné pour avoir fait tirer sur la foule au Champ de Mars le 17 juillet 1791.

Jean-Sylvain Bailly ►

En 1781, Charles-Joseph Panckoucke, qui dirige l’imprimerie du cabinet du roi, publie le "Compte Rendu au Roi" de Necker qui révèle l’état des finances de la France. Grosse impression !
Le Louvre héberge à partir de 1782 un embryon du Conservatoire des Arts et Métiers. Le physicien Jacques Charles y loge et donne des cours sur l’électricité. Il sera le premier à faire voler un ballon gonflé à l’hydrogène le 27 août 1783 au Champ de Mars ; et un autre le 1er décembre suivant, cette fois habité. Nous le retrouverons plus loin...
Le 29 octobre de la même année, Jean le Rond d’Alembert meurt dans un appartement qu’il occupait au sein de ce palais depuis 1776. C’est un des feux du Siècle des Lumières qui s’éteint avec lui ; siècle ayant vu naître un état d’esprit qui va engendrer la Révolution française.

Jean le Rond d’Alembert ►

Dans les locaux de l’Académie des Sciences, Lakanal, président du Comité de l’Instruction publique, établit les bureaux du nouveau système décimal des poids et mesures, voté par l’Assemblée le 22 août 1790.

Joseph Lakanal ►
Son buste par David d’Angers

Le 11 novembre 1793, la Convention Montagnarde crée par décret le Muséum Français, futur musée du Louvre, destiné à sauver les œuvres d’art du "vandalisme" ; mot que l’abbé Grégoire invente à cette occasion. 537 tableaux et 124 bronzes y sont exposés publiquement pour la première fois.

Henri Grégoire, dit l’abbé Grégoire ►
À la tribune de la Convention

Le peintre Jacques-Louis David, ordonnateur des grandes fêtes de la Révolution, y occupe un appartement.

Jacques-Louis David par François-Joseph Navez ►
et autoportrait

La Bourse des valeurs s’y installe à son tour, mais pour une courte période, du 10 juin 1795 à 1796.

Claude Monet peint plusieurs tableaux depuis les fenêtres du Louvre : "St germain l’Auxerrois", "Le Jardin de l’Infante", "Le Quai du Louvre"… en 1867.

Claude Monet : le Jardin de l’Infante ►
Le quai du Louvre

Le 1er mars 1871, les prussiens entrent dans Paris après la reddition du gouvernement de Thiers, rejetée par l’immense majorité de la population. Par prudence, ils se contentent de faire défiler leurs troupes sur les Champs Élysées et se cantonnent dans ce quartier. Deux jours plus tard, ils quitteront une capitale dont ils craignent les réactions. Mais les officiers sont autorisés à en profiter pour visiter les Tuileries et le Louvre. Ils sont copieusement insultés par la foule. Le général Joseph Vinoy fait interrompre l’opération par crainte d’affrontements.
Le 17 mars, ce même Vinoy, qui commande la place de Paris, installe ici son QG et réunit ses généraux afin de préparer l’enlèvement des canons de la Garde nationale Fédérée, dont beaucoup ont été financés par les parisiens. L’objectif d’Adolphe Thiers est de décapiter la révolte qui gronde dans la population. C’est l’échec de cette manœuvre, perpétrée dans la nuit du 17 au 18 mars, qui provoquera le déclenchement de la Commune de Paris.

Pendant la Commune, Gustave Courbet préside une Commission de protection du patrimoine des musées parisiens, qui avait été créée le 6 septembre 1870.
Elle laissera place à une "Fédération des Artistes" qui se réunira à partir du 17 avril 1871, dirigée par un comité de 47 membres dont fera partie Jules Dalou ; ce qui lui vaudra, comme à Courbet, d’être mis à l’Index après la Commune.

Gustave Courbet ►
sa carte de la Fédération des Artistes

Aimé-Jules Dalou dans son atelier ►
Sa statue de la République rejetée parce qu’œuvre de Communard

Le Comité central des vingt arrondissements, composé d’internationalistes, de blanquistes, de socialistes révolutionnaires… s’installe au Louvre en avril 1871, le local de la Corderie du Temple étant devenu trop exigu.
Léo Fränkel et Augustin Avrial, membres de la Commune chargés de la délégation du Travail pour le premier et de la direction de l’armement pour le second, y créent un atelier de réparation d’armes.

Léo Fränkel par Jérôme Gulon ►

Augustin Avrial ►

Le 30 avril, Jean-Baptiste Millière organise un important meeting de "l’Alliance républicaine des départements" qu’il vient de créer. Pour ce seul fait, il sera fusillé sans jugement par les troupes versaillaises le 26 mai, sur les marches du Panthéon.

Jean-Baptiste Millière ►
Son assassinat par les versaillais pendant la Semaine sanglante

Les Fédérés incendient le palais pour protéger leur repli, sur ordre de Victor Bénot, le 24 mai 1871.
Ce même jour, une femme qui a affronté seule les versaillais est exécutée sommairement, après avoir été prise, contre les grilles de la colonnade de Perrault.

Sortons de la Cour carrée vers le quai François Mitterrand


Traversons le jardin de l’Infante. Nous nous retrouvons face au Pont des Arts.
À l’emplacement de la culée de ce dernier se dressait la Tour du Coin, constituant l’extrémité ouest de l’enceinte de Philippe Auguste sur cette rive. Elle fut démolie en 1780. On la voit sur de nombreuses gravures d’époque.

La Tour du Coin ►

Dans son prolongement se trouvait un pont de Fust : pont de bateaux portant des chaînes destinées à barrer la Seine en cas d’invasion.
La passerelle des Arts fut construite en 1804. C’est le plus ancien ouvrage d’art métallique à Paris. Il représentait à l’époque une véritable prouesse technique. Il a été deux fois emporté par des chalands. Auguste Renoir l’a peint en 1867.

Le Pont des Arts ►
par Auguste Auguste Renoir

Marcel Rajman et Antoine Salvadori, membres de la M.O.I. fusillés avec le groupe Manouchian, y organisèrent deux attentats contre des officiers allemands le 23 février et le 8 mars 1943.

Marcel Rajman, orthographié Rayman sur l’affiche rouge ►

Antonio Salvadori, alias Tony

Sur notre gauche, au débouché d’une voie qui longeait l’intérieur de l’enceinte — la rue d’Ostereich, puis d’Hosteriche, puis d’Otriche, puis d’Autriche... qui deviendra enfin, en vertu d’une fantaisiste linguistique chère aux parisiens, la rue de l’Autruche — se trouvait un pied-à-terre de Concino Concini ; histoire de se tenir au plus près d’une régente — Marie de Médicis — qu’il manipulait à loisir. Nous avons vu le sort qui lui fut réservé par le jeune Louis XIII à son avènement.

Quai François Mitterrand à droite


Nous longeons ce qui fut "l’Escolle St Germain", autrement dit le port du Louvre — qui nous a laissé la rue de l’École ; nom se rapportant à "escale", et non à un quelconque établissement d’enseignement — et rentrons à nouveau dans l’enceinte du palais par le guichet du Carrousel.

Place du Carrousel


Son nom rappelle un carrousel fastueux, organisé le 5 juin 1662 sous le règne de Louis XIV, alors que sévissait dans le royaume une famine dramatique. Le "roi Soleil" ne brillait pas pour tout le monde...

Carrousel de 1662 ►

À l’emplacement du pavillon Turgot, dans ce qui était alors la rue St Thomas du Louvre, se trouvait au 17ème siècle l’Hôtel de Rambouillet. Mme de Rambouillet, d’origine italienne, qui l’avait fait construire pour échapper à la grossièreté de la cour d’Henri IV, y créa en 1629, dans sa "chambre bleue", un cénacle réunissant Malherbe, Voiture, Racan, Georges de Scudéry… tous les "beaux esprits" de l’époque. On l’appelait "la cour de la cour".

Catherine de Rambouillet, marquise de Vivonne ►

L’hôtel fut transformé, en 1784, en Vauxhall d’Hiver.
Le premier théâtre de Vaudeville à Paris — théâtre né en fait dans les “vaux de Vire", en Normandie — y ouvrit ses portes en 1792.
L’Hôtel voisin était celui de la duchesse de Chevreuse, âme damnée d’Anne d’Autriche dont elle était l’amie intime : comploteuse de toutes les mauvaises causes, ennemie mortelle du cardinal de Richelieu.

Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse ►

Le poète Vincent Voiture habitait dans cette même rue.

Vincent Voiture ►

Dans la rue St Nicaise, parallèle à la précédente, se tenait l’Académie de Musique, qui abrita en 1790 le Siège de la Section révolutionnaire des Tuileries.
C’est dans cette rue qu’eut lieu le 24 décembre 1800 un attentat contre Bonaparte, alors 1er consul. Celui-ci, pour le coup, décida de faire raser ce quartier, il est vrai très délabré. Ce fut effectivement réalisé mais seulement quelques années après sa chute.

Attentat de la rue St Nicaise contre Bonaparte

À l’extrémité sud de la rue St Thomas se trouvait l’église St Louis du Louvre, sur l’emplacement de l’ancienne église St Thomas. Elle abrita à partir du 22 mai 1791 le premier culte réformé autorisé à Paris depuis la catastrophique révocation de l’Édit de Nantes.
Dans la rue des Orties, perpendiculaire, longeant la Grande galerie du Louvre, existait une prison — la prison des Orties — dans laquelle fut enfermé Gracchus Babeuf, arrêté alors qu’il était dans la clandestinité, le 19 pluviôse an III (7 février 1795). Sa femme, Marie Anne Victoire Langlet, avait été internée pour faire pression sur lui et l’amener à se rendre.
Charles Germain, autre membre de la Conjuration pour l’Égalité et auteur du chant des Égaux, y fut enfermé lui aussi à la même époque.

François-Noël dit Gracchus Babeuf ►

Le quadrige qui surmonte l’arc de triomphe dressé à la gloire des razzias du général Bonaparte est une copie des chevaux de l’église St Marc de Venise, que ledit général avait pillés, entre autre quantité de richesses, lors de ses campagnes de soi-disant libération des peuples, et qu’il a bien fallu rendre aux italiens après la chute de ce "petit caporal" mégalo. Pourvou qué ça doure ! disait maman Lætitia. Malheureusement, ça a duré suffisamment longtemps pour causer la mort de plusieurs centaines de milliers d’hommes et laisser la France exsangue et occupée, affublée d’une nouvelle royauté.

Au pied du monument, on peut voir un repère de nivellement de la ville de Paris qui nous indique l’altitude de la capitale par rapport au niveau de la mer. Avec le réchauffement climatique, il va bientôt falloir songer à le remplacer.

Chevaux de l’église St Marc de Venise ►
Quadrige de l’Arc de triomphe du Carrousel

Un peu au nord de cet arc de triomphe se trouvait en 1789 le corps de garde des suisses. Il hébergeait un certain Jean-Baptiste Rotondo, agent provocateur de Louis-Philippe d’Orléans — le futur Philippe Égalité, bien mal surnommé — ce manipulateur qui tenta de jouer un rôle plus qu’ambigu dans le déroulement du processus révolutionnaire. On sait où le mena son jeu dangereux.

Louis-Philippe d’Orléans, dit Philippe Égalité ►

La porte de la cour du Palais des Tuileries se trouvait à l’emplacement de l’arc de triomphe. Le 10 août 1792, elle fut ouverte pour laisser entrer les insurgés afin de mieux les mitrailler. Ce fut une hécatombe. Comment s’étonner qu’il n’y ait eu ensuite aucun quartier pour les gardes suisses qui, malgré cette traîtrise, n’eurent pas le dessus ?

Derrière le pavillon de Marsan, à l’emplacement de l’actuelle extrémité de l’aile nord du Louvre, l’Hôtel de Brionne
abrita de mai 1793 à octobre 1795 le Comité de Sûreté générale, chargé de diriger la police et la justice révolutionnaires. Il communiquait directement avec les Tuileries par un couloir.
Le 9 Thermidor, 27 juillet 1794, c’est ici que Maximilien Robespierre fut amené, décrété d’arrestation par la Convention.

Hôtel de Brionne et pavillon de Marsan ►
Comité de Sûreté générale, miniature charge

Une partie de cette place resta longtemps bâtie de construction hétéroclites et en partie délabrées qui subsistaient de l’ancien quartier entourant le Louvre.
C’est pour s’être perdue dans ce dédale de ruelles que Marie-Antoinette, fuyant les Tuileries le 20 juin 1791, arriva avec deux heures de retard au rendez-vous fixé par Axel de Fersen rue de l’Échelle ; retard qui devait participer aux circonstances de l’arrestation de la famille Capet à Varennes. Ah si seulement elle s’était baladée plus souvent dans son quartier !... Il est vrai qu’elle y avait emménagé depuis peu...
Cette fuite, dite "à Varennes", sanctionna la rupture entre "un peuple et son roi".

Louis XVI et Marie-Antoinette ►
Le rendez-vous du départ à... Varennes, faute de pouvoir aller plus loin

En 1848 subsistait encore, sur l’emplacement de l’actuel pavillon Turgot, dans l’ancien Hôtel des gardes du corps à pied, l’état-major de la Garde nationale. Pendant la Révolution de 48, il accueillit trois clubs politiques : le club de la Conciliation — qui manqua son objectif comme chacun sait... — celui des Amis des Noirs et la Société des gens de lettres.
Un tribunal d’honneur s’y réunit le 5 avril, suite à l’accusation émise contre Auguste Blanqui d’avoir fourni un rapport au préfet de police Duchâtel sur les journées insurrectionnelles de 1839, organisées par la Société des Saisons dont il était un des dirigeants ; tentative de le discréditer pour l’éliminer politiquement, qui réussit partiellement.

Auguste Blanqui ►

Au début du 19ème siècle, un cénacle d’artistes fréquenté par Nerval, Gautier, Gavarni, Lamartine, Musset… se tenait rue du Doyenné, à l’emplacement de l’actuel pavillon Mollien.
Dans le roman éponyme d’Honoré de Balzac, la "cousine Bette" demeure dans cette même rue.

Sur cette place du Carrousel se déroula, en 1820, une manifestation contre Louis XVIII, au cri de "vive la charte". Elle vit la mort par balle de l’étudiant Nicolas Lallemand et marqua le début de la contestation ouverte du régime de la Restauration. Sa tombe, au Père-Lachaise, devint un lieu de rassemblement des républicains.

Pendant la Commune se tint là un bureau qui recrutait des adolescents comme porteurs de dépêches.

Descendons dans le hall souterrain du Carrousel du Louvre


On y longe les impressionnantes fondations, le fossé et le mur de contrescarpe des fortifications de Charles V, édifiées vers 1360. Elles comportent un "moineau", plate-forme d’artillerie caractéristique des ouvrages de défense construits avant Vauban.

Moineau de l’enceinte de Charles V ►
et mur du fossé

Ressortons de l’autre côté et traversons le jardin du Carrousel


La guillotine séjourna quelques temps, à partir du 21 août 1792, à gauche de l’arc de triomphe — qui n’existait pas encore — quand on regarde vers la Concorde.
Une pyramide en bois fut érigée au même endroit en l’honneur de Jean-Paul Marat après son assassinat ; pyramide au pied de laquelle furent exposés son buste, sa baignoire et son écritoire.
Cette place fut rebaptisée à cette époque “place de la Fraternité”.

Jean-Paul Marat en médaillon ►
Son assassinat par Charlotte Corday

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Lors de fouilles menées en 1985-86, on a retrouvé dans le jardin du Carrousel l’emplacement de l’atelier supposé de Bernard Palissy que Catherine de Médicis avait fait venir lors de la construction de son palais. C’est dans la partie Sud de ce jardin qu’on situe, sans grande certitude, l’emplacement de la grotte émaillée qu’il réalisa pour elle en 1570 ; ce qui ne l’empêcha pas de mourir à la Bastille en 1590, à 80 ans, « de faim, de froid et de mauvais traitements », pour protestantisme… Son cadavre fut jeté et laissé exposé dans les fossés de la forteresse", au nom de Dieu, bien sûr !

Bernard Palissy (statue du square Félix Desruelles à Paris) ►
Plat émaillé caractéristique

Franchissons la porte des Lions pour reprendre à droite le quai François Mitterrand


Cette porte donne accès au "séquestre du Louvre", qui gère les réserves du musée. C’est dans ce service que se trouvait le bureau de Jacques Jaujard. Il servait durant l’Occupation d’annexe au réseau du Musée de l’Homme, en tant que cache de matériel, mais aussi de refuge pour des Résistants fugitifs ; cela en liaison avec le colonel Touny, chef de "l’Organisation civile et militaire".

Jacques Jaujard ►

En 1941, le comité des Lettres françaises clandestines, auquel participaient Jean Paulhan et Jacques Decour, se réunissait dans le bureau de Claude Morgan.

Jean Paulhan ►

Daniel Decourdemanche dit Jacques Decour ►

Au débouché de cette porte des Lions vers la Seine se trouvait autrefois la Tour du Bois, qui constituait l’extrémité de l’enceinte de Charles V sur cette rive. Elle était située à égale distance entre le pont Royal et celui du Carrousel.
Quelques mètres plus loin vers l’ouest fut construite sous François 1er la Porte Neuve.
C’est par celle-ci que s’enfuit Henri III au lendemain de la "Journée des barricades" le 14 mai 1588.
Et c’est par cette même porte qu’Henri IV fit son entrée dans Paris le 22 mars 1594, après 2 sièges et une abjuration. Paris ne valait-il pas une messe !...

Un moulin situé sur la butte du marché aux moutons, dans l’angle que faisait le rempart de Charles V à son débouché sur le quai — moulin qui figure sur le plan de Belleforest publié en 1575 — abritait à l’occasion les assemblées de la direction de la Sainte Ligue, dite "Conseil des Seize", entre 1585 et 1588.

La tour du Bois et la Porte Neuve ►
L’entrée d’Henri IV dans Paris le 22 mars 1594

Nous longeons la Galerie du Bord de l’Eau


Elle était encore en construction quand Henri III l’emprunta, suite à cette fameuse Journée des barricades ; origine de la passion très parisienne pour ces édifices éphémères, dans la construction desquels les pavés et le mobilier urbain ont remplacé depuis belle lurette les tonneaux.

Le quai qui la borde vit, le 29 mars 1816, l’arrivée du bateau l’Élise venant de Londres. Construit par Robert Fulton, ce fut le premier vapeur à naviguer sur la Manche et à remonter la Seine. Une révolution dans le domaine de la navigation. Une première expérience avait été réalisée en 1803 entre les Invalides et l’île des Cygnes par ce même Fulton, que le futur Napoléon 1er avait alors traité de "charlatan". Comme quoi il arrivait au soi-disant génie d’avoir la vision historique un peu basse...

Le vapeur l’Élise ►
Robert Fulton

Trois attentats contre Louis Philippe eurent lieu sur ce quai, à peu près au même endroit, deux en 1836, un autre en 1840. C’est dire combien il était apprécié par ces français dont il s’était voulu le roi… Il avait oublié de préciser que cela ne valait que pour une minorité représentant l’aristocratie financière.
À l’angle du quai, nous contournons le Pavillon de Flore, extrémité sud de l’ex palais des Tuileries.

Ce pavillon servit en 1789 de lieu de réunions pour des journalistes réactionnaires hostiles à la Révolution. Ça commençait mal !
Mais il fut rebaptisé par la suite "pavillon de l’Égalité".
Il abrita alors le Comité de Salut Public, créé le 6 avril 1793 et qui y siégea jusqu’au 26 octobre 1795, date de sa suppression. La salle des séances était au 2ème étage.
Robespierre, grièvement blessé à la mâchoire, y fut amené le 9 thermidor avant son départ pour la guillotine, accompagné de Saint-Just, Couthon, Lebas et de son frère Augustin.

Le Comité de Salut public ►
Robespierre blessé et ses partisans gardés avant leur exécution

On logea dans ce pavillon le pape Pie VII, lorsqu’il vint à Paris en 1804, quelque peu contraint et forcé, pour le sacre de Napoléon 1er.
Louis-Philippe 1er en fit son quartier général pendant l’insurrection de 1832. Eugène François Vidocq, qui participa activement à la répression, lui adressa un rapport extrêmement précis pour lequel il fut récompensé. Ce "héros" de romans populaires et de feuilletons télévisés était en fait une balance de haut vol ; il fonda et dirigea la Sûreté nationale.

Eugène-François Vidocq ►

Ce sont les obus versaillais qui mirent le feu au pavillon de Flore pendant la Commune, dont les pompiers tentèrent d’éteindre l’incendie.

Le pavillon de Flore

Tournons à droite dans l’avenue du général Lemonnier


Ce faisant, nous avons face à nous, le long du jardin des Tuileries, la Terrasse du Bord de l’Eau. Elle surplombe un important souterrain dont nous apercevons l’entrée. Un lieu de sinistre mémoire. En effet dans ce tunnel, qui mène jusqu’à la Concorde, furent massacrés un grand nombre d’Insurgés lors de la révolution de Juin 1848, puis en représailles à la résistance au coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte en 1851.
Et pendant la Semaine sanglante, le 24 mai 1871, on fusilla sur cette terrasse, après les combats, un grand nombre de Fédérés prisonniers.

Se trouvent là quelques vestiges du palais des Tuileries, que les édiles de la Troisième République se gardèrent bien de faire reconstruire, contrairement aux autres bâtiments détruits pendant la Commune ; sans doute pour ne pas donner prise à de vieilles nostalgies. Ce qui n’a pas empêché certain président jupitérien de venir se faire acclamer en ce lieu, deux siècles et demi plus tard, le jour de son investiture. Sauf que n’est pas Jupiter qui veut !

Le palais des Tuileries


Entre les pavillons de Flore et celui dit de Marsan, que l’on aperçoit de l’autre côté du jardin du Carrousel, s’étend aujourd’hui la terrasse des Tuileries.
C’est sur son emplacement que se trouvait ce fameux palais, construit à partir de 1564 par Philibert Delorme pour Catherine de Médicis. Laquelle n’y demeura jamais, un mage lui ayant prédit qu’elle mourrait auprès de St Germain ; l’Auxerrois, en l’occurrence, étant le nom de la paroisse dont dépendait l’édifice...

Le fait est que celui-ci ne porta pas bonheur aux divers souverains qui l’occupèrent : Louis XVI bien malgré lui et pour l’issue que l’on sait ; Louis XVIII qui s’en fit virer pour cent jours par Napoléon 1er à son retour de l’île d’Elbe ; ce dernier qui dut lui aussi renoncer deux fois à s’y incruster ; Charles X qui en fut chassé en 1830 par une seconde révolution ; Louis-Philippe 1er de même en 1848 par une troisième ; et Napoléon III qui ne revint jamais de Sedan… On pourrait parler d’un "palais éjectable" !

Le palais des Tuileries

L’Opéra de Paris s’y installa dans la salle des machines en 1763, suite à l’incendie de la salle du Palais-royal.
À partir de 1770, c’est la Comédie française qui y séjourna à son tour. La première du "Barbier de Séville" eut lieu ici le 23 février 1775. Ce fut un échec. Mais les représentations suivantes, après que Beaumarchais ait profondément remanié sa pièce, firent un triomphe. Son œuvre, mettant en cause la hiérarchie sociale de l’ancien régime, et d’ailleurs interdite par Louis XVI à ce titre, mais à nouveau autorisée sous la pression du public, sera considérée par certains comme le premier acte de la Révolution française...
Voltaire lui aussi y connut le succès, avec la représentation de sa pièce "Irène", le 30 mars 1778, deux mois avant sa mort.

Pierre Augustin Caron de Beaumarchais ►

François-Marie Arouet, dit Voltaire ►
Son buste par Rosset

La famille royale, ramenée à Paris par le peuple — en majorité des femmes, parties à Versailles pour réclamer du pain et qui ramenèrent "le boulanger, la boulangère et le petit mitron" — y emménagea sous surveillance à partir du 6 octobre 1789.
Le 28 février 1791, environ 400 nobles tentèrent en vain de désarmer la garde nationale pour "délivrer" le roi. Ce fut l’affaire des "chevaliers du poignard", un flop qui ne fit que tendre un peu plus les rapports.
Le 18 avril 1791, nouvelle tentative de fuite à St Cloud.
Et le 20 juin de la même année, c’était pour de bon la "fuite dite à Varennes" — en fait vers la frontière, mais qui n’alla pas plus loin... — qui finit de déconsidérer le pouvoir royal et marqua la rupture définitive avec la population.

Un an plus tard, jour pour jour, se produisit une émeute dans le but d’obliger Louis Capet à retirer son veto. Il coiffa le bonnet phrygien et but un coup de rouge avec les émeutiers mais ne céda pas.
Mais dans la foulée, le 10 Août 1792, le palais des Tuileries était pris d’assaut ; événement sonnant la fin malheureusement provisoire de la Monarchie.

L’assaut des Tuileries le 10 août 1792

Le 20 novembre suivant, on découvrait la fameuse "armoire de fer”, un coffre fort secret contenant entre autres la correspondance de Mirabeau avec Louis XVI. Le tribun corrompu se trouva expulsé du Panthéon plus vite qu’il n’y était entré.

Le 10 mai 1793, la Convention déménage du Manège pour la salle des Machines : l’ancien théâtre transformé en un faux hémicycle ; un lieu très mal adapté à cette fonction.
Elle sera investie par le peuple à plusieurs reprises.
Le 18 mai par des femmes qui accusent les Girondins d’être responsables de la cherté du pain.
Le 31 mai par les Jacobins qui réclament l’expulsion des chefs de la Gironde, la création d’une armée révolutionnaire, et n’obtiennent que la suppression du Comité des Douze, composé de Girondins.
Et le 2 juin elle sera assiégée par 80 000 sans-culottes, au cri de “du pain et la constitution de l’an I”. Cette fois 22 députés Girondins seront décrétés d’arrestation, ainsi que certains membres des Douze et deux ministres : Étienne Clavière et Pierre Henri Lebrun-Tondu.

Émeute du 2 juin 1793 ►
Journée du 31 mai

Le 24 juin 1793, 6 messidor, la Constitution de l’An I est adoptée — elle ne sera jamais appliquée — ainsi qu’une Déclaration des Droits.
Le 25 juin, l’Assemblée est prise d’assaut par les sans-culottes du Fbg St Antoine entraînés par Jacques Roux. Ils apportent une pétition contre les accapareurs.
Elle l’est à nouveau le 4 septembre 1793. Jacques Roux est alors arrêté.
Le lendemain est votée la loi du maximum des prix et des salaires. Loi très impopulaire qui contribuera à la chute de Robespierre.
Le 16 novembre, vote de la confiscation des biens du clergé au profit des pauvres et des établissements d’instruction publique.
Le 4 février 1794, 16 pluviôse an II, la Convention abolit l’esclavage. Bonaparte le rétablira le 20 mai 1802 ; ce qui ne semble pas offusquer ses actuels adorateurs...

C’est à l’emplacement de l’actuel tunnel de l’avenue Lemonnier, devant le pavillon central du Palais, que se déroula l’apothéose de la Fête de l’Être Suprême, organisée par Robespierre et Jacques-Louis David le 8 juin 1794.
Là enfin que fut arrêté, lors du coup d’état antiroyaliste du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), le général Jean-Pierre Ramel, soupçonné de sympathies avec les tenants de l’ancien régime. Il fut, avec plusieurs membres des assemblées, condamné à la "guillotine sèche", c’est-à-dire à la déportation au bagne de Guyanne.

La Fête de l’Être suprême aux Tuileries

Le 27 juillet 1794, 9 thermidor an II, Robespierre est décrété d’accusation et arrêté une première fois. Il est d’abord emmené, comme nous l’avons vu, devant le Comité de Sûreté générale. Après audition, il est libéré — un peu malgré lui selon Jules Michelet — par Coffinhal qui le conduit à sa demande au palais de Justice où il aurait voulu être jugé, pensant être blanchi et du coup renforcé. Il est finalement ramené à l’Hôtel de Ville où il sera blessé et arrêté de nouveau dans la nuit.
Emporté aux Tuileries sur un brancard, dans les locaux du Comité de Salut public, il sera exécuté le lendemain avec ses partisans.

Après Thermidor, la Convention est à nouveau envahie par les sans-culottes à plusieurs reprises jusqu’à l’insurrection dite de prairial, le 20 mai 1795, 1er Prairial an III. Dernière chance manquée pour les Sans-culottes de reprendre le pouvoir. La répression qui s’ensuit, en particulier dans le Fbg St Antoine, marque la fin du processus révolutionnaire.
Soulignons au passage l’escroquerie historique que constitue le fait de vouloir, comme le font certains, faire durer ledit processus révolutionnaire jusqu’à Waterloo.

Insurrection du 1er prairial an III

La Convention thermidorienne vote, le 29 juin 1795, un projet de constitution, dite de l’an III.

Le 9 novembre 1799, elle nomme Napoléoné Buonaparte chef des armées et le Conseil des Anciens vote le transfert des assemblées à St Cloud, sous prétexte de l’imminence d’un complot jacobin. Nous sommes alors un certain 18 brumaire an VIII...

Bonaparte nommé chef des armées s’assure de la fidélité des troupes ►
Coup d’état militaire le 19 brumaire à St Cloud

Un attentat à la bombe a lieu dans ce palais contre Louis XVIII le 27 janvier 1821 ; un simulacre, semble-t-il, en forme de provocation... ainsi qu’une des nombreuses tentatives contre Louis Philippe 1er le 29 juillet 1846.

Le palais des Tuileries est à nouveau pris d’assaut au cours de la révolution de 1848, le 24 février. Louis-Philippe et sa famille ont juste le temps de s’enfuir par le souterrain de la terrasse du bord de l’eau que nous avons vu tout-à-l’heure. Nous les retrouverons à sa sortie débouchant sur la place de la Concorde.

Assaut des Tuileries le 24 février 1848 ►

Pendant la Commune de 1871, une affiche y est apposée qui dit : "Peuple ! l’or qui ruisselle sur ces murs, c’est ta sueur !". Un constat qui pourrait marquer bien des lieux et bien des siècles, dont le nôtre...
Une ambulance est installée dans ces bâtiments pendant les deux sièges ; celui des prussiens et celui des versaillais.
On y donne des “concerts patriotiques” destinés à recueillir des fonds pour les veuves des Fédérés morts au combat. Le dernier se déroule le 21 mai, jour de l’entrée des versaillais dans Paris. Rosalie Martin, dite la Bordas, y chante “La Canaille”.

Le palais est incendié par les Communards pendant la Semaine sanglante pour protéger leur retraite, sur l’ordre de Bergeret. Contrairement aux autres monuments parisiens, il ne sera jamais reconstruit. La Troisième République tient elle aussi, à sa manière, à faire du passé table rase...

Incendie des Tuileries pendant la Semaine sanglante
vu depuis la barricade du boulevard du Palais

Le jardin des Tuileries


Traversons l’avenue du général Lemonnier et pénétrons dans le jardin des Tuileries en empruntant l’allée centrale
Pendant la Révolution, ce parc fut divisé en zone publique et zone privée, dites "zone de la Nation" et "zone de Coblence" ; en référence au lieu de "villégiature" des émigrés.

Il inspira de nombreux artistes. Baudelaire le décrit dans "les Veuves". Édouard Manet y peint "La Musique aux Tuileries" en 1862.

Édouard Manet : la Musique aux Tuileries

Le jardin des Tuileries fut un des lieux où se concentrèrent, dans la nuit du 17 mars 1871, les troupes qu’Adolphe Thiers avait fait rassembler pour récupérer les canons de la Garde nationale et écraser dans l’œuf la révolte qui ne cessait de monter dans la population parisienne. Il allait provoquer ainsi le déclenchement de la Commune de Paris.
Au cours de celle-ci, il fut transformé en parc d’artillerie par Alexis Dardelle, gouverneur des Tuileries.
Un bataillon constitué de 2000 femmes en armes y fut passé en revue le 15 mai 1871.

Le 18 août de la même année, Alphonse Pénaud réussissait dans ce jardin le premier vol d’un plus lourd que l’air autopropulsé avec son "Planophore" : un modèle réduit d’aéroplane, mu par une hélice actionnée par un élastique. Il pouvait effectuer des vols d’une soixantaine de mètres.

Alphonse Pénaud ►
Son "planophore"

Avançons jusqu’au Bassin rond


La dépouille de Jean-Jacques Rousseau fut exposée en son centre, avant son transfert au Panthéon, le 10 octobre 1794.

Hommage à Rousseau avant son transfert au Panthéon ►
Jean-Jacques Rousseau

Prenons vers la droite pour rejoindre la terrasse des Feuillants


Anne-Josèphe Terwagne, dite Théroigne de Méricourt, y fut fouettée par des sympathisantes Montagnardes le 25 mai 1793. Une humiliation qui ne fut sans doute pas étrangère à son naufrage dans la folie.
Jean-François Varlet, un “Enragé”, précurseur de l’Anarchisme, y utilisait une tribune roulante pour haranguer la foule.
S’était installé sur cette terrasse, jouxtant la salle du Manège, le café Hottot, ou Payen. Les constituants y venaient poursuivre leurs débats autour d’un verre.

Anne-Josèphe Terwagne, dite Théroigne de Méricourt ►

C’est sur cette terrasse que bivouaquèrent les troupes du général Bonaparte le 13 Vendémiaire an IV, 5 octobre 1795, avant de réprimer une insurrection manipulée par les royalistes à laquelle participèrent des Sections hostiles à l’Assemblée.
Et c’est là à nouveau que se rassemblèrent les soldats commandés par le général Lannes qui "accompagnèrent" les députés lors du transfert des Assemblées à St Cloud sous le prétexte d’un soi-disant "péril Jacobin", le 9 novembre 1799, en préparation du coup d’État du 18 brumaire ; un putsch perpétré par le même Bonaparte. Il avait entre temps fait son petit bonhomme de chemin de dictateur.

Sortons du jardin et prenons la Rue de Rivoli sur la gauche


228-232 : Ici se trouvait, à partir de la Restauration, le ministère des finances, symbole de la puissance de la bourgeoisie montante. Balzac l’appelait “l’Escorial des financiers”. Il fut détruit par un incendie pendant la Semaine sanglante mais, "par bonheur", le Grand livre de la dette fut sauvé. Ouf !

Ruines du ministère des Finances après la Commune

face au 230 : Emplacement de la salle du Manège, marqué par une plaque sur la grille du jardin.
C’est là que s’installe dans l’urgence, après avoir séjourné quelques jours à l’archevêché, l’Assemblée Constituante le 9 novembre 1789, puis la Législative, la Convention jusqu’au 9 mai 1793, et par la suite, à partir d’octobre 1795, le Conseil des Cinq-cents.
Ce n’est que le 21 octobre 1790 que le drapeau tricolore y remplace le drapeau blanc de la royauté. Eh oui ! la révolution ne se fait pas en un jour ; on ne parlera de République que vers la fin 91.
C’est là que se réfugie la famille royale le 10 août 1792, remisée dans la loge du logographe.

La famille Capet réfugiée à la Convention dans la loge du logographe ►
Gravure de François Gérard

La royauté est abolie par la Convention le 21 septembre suivant.
La République est proclamée le lendemain, premier jour de la datation du calendrier républicain.
Le procès de Louis XVI s’y déroule à partir du 11 décembre 1792.
La Convention vote sa mort le 17 janvier 1793.
Condorcet présente le projet de constitution dite de l’an I, le 17 avril 1793.

La salle du Manège ►
Plaque sur les grilles du jardin

228 : L’hôtel Meurice : quartier général du général Von Choltitz, commandant du "Gross Paris" nommé par Hitler pendant les dernières semaines de l’Occupation.
De violents combats se déroulent à ses abords pendant la Libération de Paris. C’est ici que vont avoir lieu les négociations, par l’intermédiaire du consul de Suède Raoul Nordling, pour un cessez-le-feu qui aura lieu le 19 août. Il obtiendra en outre le renoncement prudent à obéir à l’ordre du "fureur" de détruire Paris.

Le général Dietrich Von Choltitz ►
phot présentée à tort comme la signature de sa reddition
il rédige en fait la liste de ses effets disparus

248 : Le PCF organise un attentat contre la librairie militaire allemande le 26 novembre 1941.

Revenons dans le jardin des Tuileries par la Terrasse des Feuillants


Nous empruntons l’escalier de 13 marches par lequel la famille royale, protégée par les Girondins Brissot et Vergniaud, fuit vers la salle du manège le 10 août 1792.

Louis XVI vient se réfugier à l’Assemblée Législative le 10 août 1792 ►
Les 13 marches

Reprenons jusqu’au bout la terrasse des Feuillants, puis tournons à gauche


Nous passons derrière le Jeu de Paume. Rien à voir, sinon le sport qui y était pratiqué, avec la salle du fameux serment, située à Versailles.
Celui-ci fut transformé en salle de décryptage des premiers microfilms rapportés de province par des pigeons voyageurs pendant le siège de 1870.
Il s’y tint en 1908 le 1er Congrès international de la Route qui préconisa l’instauration d’un “code de la route”.
Transformé en musée, il reçut en dépôt, pendant l’Occupation, les œuvres d’art spoliées par les nazis. Hermann Göring y venait personnellement se "servir".
Rose Valland, conservatrice des musées et Résistante, répertoria clandestinement plus de 60 000 œuvres d’art et objets spoliés par les nazis aux institutions publiques et aux familles juives, permettant ainsi leur récupération. Mais environ 600 tableaux volés, taxés d’"art dégénéré", seront lacérés et brûlés par les nazis sur la terrasse même.

Musée du Jeu de Paume ►
Salle de décryptage des microfilms pendant le siège de 1870

Rose Valland ►

Un mémorial avait été érigé en 1920 contre le mur oriental du bâtiment en souvenir d’Edith Cavell, une infirmière britannique fusillée par les allemands en Belgique le 12 octobre 1915, pour avoir aidé des prisonniers à s’évader. Ce fut le premier monument qui fut détruit par les nazis dès leur entrée dans la capitale en 1940. Et pourtant celui-ci n’était pas en bronze... dont la récupération servit ensuite de prétexte à l’éradication de bien d’autres symboles parisiens, avec la complicité de Pétain.
Une statue de ce jardin, intitulée "Quand même", évoquant les souffrances de la guerre de 1870, fut également détruite par les nazis.

Le monument à Waldeck-Rousseau, auteur des lois sur les syndicats en 1884, et sur les associations en 1901, fut l’une des victimes de cette tentative "d’effacement de l’Histoire". Contrairement à d’autres, moins appréciés des représentants de la Troisième République, il fut rétabli après guerre.

Monument à Edith Cavell détruit par les nazis ►

Pierre Waldeck-Rousseau ►
Monument qui lui est dédié

Nous descendons vers le Grand bassin


C’est ici qu’eut lieu la cérémonie funèbre organisée en l’honneur des morts de la prise des Tuileries, le 27 août 1792. Une pyramide avait été dressée sur le Bassin.

Un pont tournant commandait l’accès du jardin au public jusqu’en 1817.

Le pont tournant des Tuileries

C’est de l’esplanade qui s’étend entre le bassin et l’entrée du jardin que Jacques Charles et les frères Charles et Noël Robert réalisèrent la première ascension d’un ballon à hydrogène habité, le 1er décembre 1783, peu de temps après l’expérience des frères Montgolfier, mais par un procédé qui devait avoir plus d’avenir.

Envol du ballon à hydrogène de Charles et des frères Robert

Du côté de la Seine, au bout de la terrasse du Bord de l’eau à l’emplacement de l’Orangerie, se trouvait sous Louis XIII la "Garenne de Regnard", lieu de rencontres de la cour où des jeux étaient organisés ; un ancêtre des casinos. Pendant la Fronde, elle fut le théâtre d’affrontements politiques.
Au musée de l’Orangerie se tint, en juillet 1942, une exposition du sculpteur allemand Arno Brecker ; une des nombreuses manifestations culturelles tendant à faire accepter la collaboration avec les nazis. Raté !

C’est en traversant le jardin des Tuileries que René Laennec aurait conçu le stéthoscope, en 1816, en observant des enfants qui se transmettaient des sons à travers une poutre, l’un grattant à une extrémité, l’autre collant son oreille à l’autre bout. À une époque où le médecin ne pouvait dénuder ses patientes pour les examiner, un simple cahier roulé appliqué sur la poitrine lui permit d’ausculter celle chez qui il se rendait. Eurêka !

Stéthoscope de Laennec ►
L’auscultation

Le 23 mai 1871, pendant la Semaine sanglante, le général Brunel organisa une défense héroïque contre l’avancée des troupes versaillaises depuis la terrasse des Tuileries, avec 150 tirailleurs Fédérés.

Et pour finir sur une note champêtre : le 22 avril 1950, de jeunes campeurs communistes organisèrent dans ce jardin, aux accents de "Ma Blonde", une manifestation pour la restauration du billet SNCF collectif à 50%.

Place de la Concorde

La place de la Concorde

Elle fut d’abord appelée place Louis XV.
En son centre avait été érigée en 1763 une statue équestre de celui qu’on appelait "le bien aimé". Surnom étonnant quand on sait que ce bien aimé roi avait par exemple fait construire une route, dont il subsiste certains tronçons entre Versailles et Saint-Denis, afin d’éviter de passer par Paris dont il craignait les habitants. De fait, cette route portait le nom significatif de "route de la Révolte", suite à une émeute provoquée par le bruit selon lequel certaines dames de la cour prenaient des bains de sang humain...
Cette statue était entourée de quatre personnages féminins représentant les soi-disant vertus du roi. Un plaisantin avait accroché au cou du cavalier une pancarte sur laquelle était écrit ; " Grotesque monument, infâme piédestal. Les vertus vont à pied, le vice est à cheval". Joli scandale !...
Cette effigie fut bien entendu détruite à la Révolution.

Statue de Louis XV ►
le 12 juillet 1789

L’incendie provoqué par un feu d’artifice tiré le 30 mai 1770 pour célébrer le mariage du futur Louis XVI avec Marie-Antoinette d’Autriche, déclencha une panique qui fit plus de 100 morts. L’histoire de cette place commençait décidément bien mal pour le couple Capet...
C’est là également que devait avoir lieu le premier épisode sanglant de la Révolution proprement dite. Le 12 juillet 1789, le prince de Lambesc fit charger par son regiment, le royal-allemand, des gens qui manifestaient contre le renvoi de Necker en promenant dans Paris son buste et celui de Philippe d’Orléans, récupérés dans le fameux musée de cire de Curtius. Il les fit poursuivre jusque dans le jardin des Tuileries.

Charge du prince de Lambesc sur la foule manifestant contre le renvoi de Necker

Le 11 août 1792, la place Louis XV devient “place de la Révolution”. La statue équestre du "bien aimé" est détruite.
Le 10 août 1793, un autodafé des emblèmes de la royauté y est organisé pour célébrer le premier anniversaire de la prise des Tuileries. Une statue de la Liberté est érigée sur le piédestal de celle de Louis XV.

Le 26 octobre 1795, le Directoire lui donne son nom actuel de "Place de la Concorde" ; le vœu pieux d’un régime qui va bientôt virer à la dictature...

La guillotine


Elle fait ici sa première apparition le 13 octobre 1792 pour l’exécution des voleurs des bijoux de la Couronne ; enfin... ceux qui ont été pris !
Louis XVI est guillotiné le 21 janvier 1793, à 12 m de l’obélisque dans l’axe des Champs Élysées.

L’exécution de Louis XVI

Marie-Antoinette l’est à son tour, de l"autre côté de ce même obélisque, à mi-distance de l’entrée du jardin, le 16 octobre 1793.

Exécution de Marie-Antoinette ►
Imaginée par les italiens

C’est là également que sont exécutés les chefs Girondins, dont Brissot et Vergniaud, le 31 octobre de la même année.

Jacques Pierre Brissot ►

Pierre Victurnien Vergniaud ►

Olympe de Gouges, féministe qui a rédigé la “Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne”, est exécutée comme Girondine le 3 novembre. Elle avait déclaré : “Une femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir aussi celui de monter à la tribune”.

Marie Gouze, dite Olympe de Gouges ►
Son buste à l’Assemblée nationale

Mme Roland est décapitée le 8 novembre devant la statue de la Liberté qui remplace sur son piédestal celle de Louis XV. Elle aurait dit en la regardant au moment de son exécution : "Liberté ! Liberté ! Que de crimes on commet en ton nom !".

Manon Roland, née Jeanne Marie Philipon, dite Madame Roland ►

Le 4 germinal an II, 24 mars 1794, exécution dite abusivement des Hébertistes, tous n’étant pas des "Enragés" : Jacques-René Hébert, Charles-Philippe Ronsin, François-Nicolas Vincent, Anacharsis Cloots, François Desfieux, Pierre-Jean Berthold de Proli, Jacob Pereyra, Pierre Ulric Dubuisson, Antoine Descombes, Antoine-François Momoro, Frédéric-Pierre Ducroquet, Jean-Conrad de Kock, Michel Laumier, Jean-Charles Bourgeois, Albert Mazuel, Jean-Baptiste Ancard, Armand Hubert Leclerc, Jean Antoine Florent Armand.

Jacques-René Hébert ►

Charles-Philippe Ronsin, général ►

Jean-Baptiste de Cloots, dit Anacharsis Cloots ►

Antoine-François Momoro ►

Les "Indulgents" — Danton, Camille et Lucile Desmoulins, Fabre d’Églantine... — sont exécutés le 5 avril 1794.

Georges Jacques Danton ►

Camille Desmoulins ►
avec Lucile et leur fils Horace

Philippe-François-Nazaire Fabre, dit Fabre d’Églantine ►

Les Robespierristes, dont Robespierre lui-même, déjà mourant, son frère Augustin, Saint-Just, Couthon… le 28 juillet suivant.

Maximilien Robespierre ►

Louis Antoine Saint-Just ►

Georges Auguste Couthon ►

70 membres de la Commune le lendemain, 11 thermidor an II, et 12 autres le 12.
Les émeutiers du 1er prairial en mai 1795…
En tout 1119 personnes, sur les 2498 guillotinées à Paris, seront exécutées sur cette place.

Exécution de Maximilien Robespierre et de ses partisans

Après la Révolution


C’est sur cette place qu’eurent lieu, le 22 février 1848, les premiers heurts entre la population et les "cipaux" ; les gardes municipaux à cheval. Les manifestants protestaient contre l’interdiction d’un banquet républicain prévu aux Champs Élysées. Une femme fut tuée et un ouvrier grièvement blessé. Ces incidents firent monter la tension et aboutirent, le lendemain, au déclenchement d’une révolution qui allait mettre définitivement fin à la royauté en France.
Une révolution bourgeoise, qui trahit immédiatement les promesses faites au prolétariat naissant, entraînant dès le mois de juin suivant une nouvelle insurrection, menée par les ouvriers cette fois. Elle allait être écrasée sous les cadavres de 15 000 travailleurs.
Dès le 6 juillet, l’État réactionnaire organisait ici une cynique cérémonie funèbre en l’honneur de "toutes les victimes" de l’insurrection, avec une messe célébrée par trois évêques appartenant à l’Assemblée criminelle.
Et le 16 novembre, Eugène Cavaignac y proclamait officiellement la naissance de la Seconde République ; une république réactionnaire, sous la coupe d’une Assemblée royaliste.

Faisons le tour de la place dans le sens des aiguilles d’une montre


Nous nous dirigeons donc côté Seine.
Le mur du jardin des Tuileries est celui de l’enceinte dite de Louis XIII, commencée en fait sous Charles IX en 1566 et appelée alors "les fossés jaunes", du fait de la couleur de l’argile extraite lors du creusement de ses fondations.
Près de l’angle qu’il fait avec le quai des Tuileries débouchait le souterrain par lequel Louis-Philippe 1er s’enfuit après son abdication le 24 février 1848.

Fuite de Louis-Philippe par la terrasse du Bord de l’eau

Faisons un bref aller-retour sur le quai des Tuileries


À quelques mètres sur ce quai se trouvait la première Porte de la Conférence. Érigée en 1583, sous Henri III, elle fut reconstruite et prit ce nom en 1632 pour commémorer les tractations sur l’avènement d’Henri IV. Son emplacement est indiqué par une plaque.

C’est dans ces parages que s’amarrèrent en 1761 les "bains flottants de Poitevin", premier établissement de bains à Paris après une période de plusieurs siècles pendant laquelle l’eau était déconseillée par la faculté de Médecine pour le lavage corporel. Les idées fausses ont la vie dure ; on le constate encore aujourd’hui.
À l’angle de la place fut érigée sous la Commune une des fortes barricades conçues par Napoléon Gaillard, pendant de celle de la rue St Florentin.

Passons devant le Pont de la Concorde


Il s’appela d’abord "Pont de la Révolution". Et de fait, il fut achevé avec des pierres de la Bastille.
C’est là que débuta, le 6 février 1934, la répression d’une manifestation d’extrême droite qui tentait de traverser la Seine pour investir la Chambre des députés située sur l’autre rive. Elle fit 11 morts et 300 blessés. C’est en réaction à cette tentative de coup d’État que, sous l’impulsion de la base, la gauche allait créer le "Rassemblement populaire", qui deviendrait un an plus tard le Front Populaire.

Tentative de putsch du 6 février 1934

Le 1er février 1942 eut lieu sur ce pont l’attaque à l’explosif d’un convoi allemand, l’un des premiers faits d’arme de la Résistance à Paris.

Sur la gauche de l’avenue des Champs Élysées fut érigée l’entrée monumentale de l’exposition universelle de 1900 ; œuvre malheureusement éphémère.

Entrée de l’exposition universelle de 1900

À l’angle de la rue Boissy d’Anglas se trouve ce qui fut la résidence de Wellington en 1815, puis devint l’ambassade des États-Unis, devant laquelle se sont déroulées de nombreuses manifestations.

Faisons un aller-retour dans la rue Boissy d’Anglas


11bis : C’est ici que se tenait le tribunal militaire allemand pendant l’Occupation.
Il vit le premier procès de la Résistance, celui d’Honoré d’Estienne d’Orves et des membres de son réseau de renseignement.
Et en février 1944, celui des 23 personnes dites du "groupe Manouchian". 22 seront fusillées le jour même du verdict, sauf Olga Bancic qui sera décapitée à la hache en Allemagne malgré une promesse de grâce.

Revenons sur la place de la Concorde


10 : L’Hôtel Crillon abrita le siège de l’état-major allemand pendant l’Occupation. Lors de la Libération, la cinquième colonne de sa façade fut détruite par un obus ; un symbole pour les chroniqueurs de l’époque…
À l’angle de ce qui fut d’abord l’Hôtel des grands ambassadeurs se trouve encore une plaque très peu lisible portant l’inscription "place Louis XVI", apposée sous Charles X.
Et en 1830, la Concorde prit pour une courte période le nom de place de la Charte. Tout aura été tenté pour effacer de ce lieu le souvenir d’une Révolution qui en est pourtant partie, le 12 juillet 1789, deux jours avant la prise de la Bastille.

Hôtel Crillon
Plaque "place Louis XVI"

8 : On peut voir ici une plaque de numérotation d’immeuble de 1805, chiffres noirs sur fond jaune, imposée par le préfet Frochot au début du 1er Empire.
4 : Hôtel de Coislin. Benjamin Franklin y signe un accord avec la France reconnaissant l’indépendance des États-Unis le 6 février 1778.
Chateaubriand y demeura de 1805 à 1807.

Hôtel de Coislin ►
Signature du traité préliminaire d’Indépendance des États-Unis

Lous XVI remettant à Franklin le traité d’amitié et d’assistance militaire entre la France et les Provinces Unies d’Amérique ►
Benjamin Franklin

François-René de Chateaubriand ►
Numérotation du 8 place de la Concorde

Traversons la rue Royale


Nous en reparlerons dans une autre promenade intitulée : "De la Concorde aux Halles, la rue St Honoré".
Mentionnons tout de même, à l’entrée de cette voie, l’impressionnante barricade de la Commune conçue par Napoléon Gaillard, cordonnier bellevilois nommé directeur des barricades. Elle opposa une résistance farouche aux versaillais sous le commandement du général Paul Brunel. Elle fut finalement contournée par les troupes de Thiers.

Barricade de la rue Royale pendant la Commune


Paul Brunel, général de la Commune ►

Continuons le tour de la place de la Concorde


2 : L’actuel palais de la Gastronomie, précédemment ministère de la Marine, était sous l’ancien régime le Garde-Meuble de la couronne.
Outre sa fonction première, il servait de pied-à-terre à Marie-Antoinette lorsqu’elle venait s’encanailler à Paris.
Il fut pillé le 13 juillet 1789 dans l’espoir d’y trouver des armes.

Pillage du Garde-meuble le 13 juillet 1789 ►
Hôtel de la Marine

Le 10 août 1792, un groupe de gardes suisses qui s’y était réfugié après la prise des Tuileries y fut massacré.
Les bijoux de la couronne y furent dérobés, le 16 septembre 1792 dans des conditions particulièrement louches. Le vol dura plusieurs jours sans aucune réaction des autorités. Jean-Jacques Cambon et Joseph Douligny, interpellés, payèrent pour bien d’autres apparemment. Ils furent les premiers guillotinés de la place de la Concorde.
En 1798, Claude Chappe installa sur le toit du bâtiment une station de son télégraphe optique qui communiquait avec Brest en 8 minutes.
Des Fédérés furent massacrés ici pendant la Semaine sanglante.

Claude Chappe ►
Le code de son télégraphe

L’obélisque de Louqsor est acheté par Charles X à Mehemet-Ali et érigé en 1831. Mais le petit frère de Louis XVI ne sera plus là pour l’inaugurer…
On fera sur cette place les premiers essais d’éclairage public électrique à Paris, le 20 octobre 1843

L’obélisque de Louqsor
Son érection le 25 octobre 1836

Faisons un aller-retour dans la rue St Florentin


En février 1848, la première barricade avait été érigée ici par les républicains d’une Société dissidente. Ils outrepassaient ainsi les consignes qui avaient été données par les dirigeants d’un mouvement qui ne se voulait que réformiste, mais qui allait de fait aboutir à une révolution.
À nouveau, pendant la Commune, Napoléon Gaillard avait fait construire à l’angle de cette rue, barrant la rue de Rivoli, une des plus imposantes barricades de son dispositif de défense. Elle fut elle aussi finalement contournée par les versaillais le 23 mai 1871, après une lutte héroïque des Fédérés du général Brunel.

Barricade rue de Rivoli, à l’angle de la rue St Florentin

7 : Demeure de Ferdinand de Lesseps, membre du Cercle Saint-Simon, concepteur des canaux de Suez et de Panamá.

Ferdinand de Lesseps ►

2 : Hôtel du "diable boiteux", Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, qui mourut ici le 17 mai 1838. Prototype de l’opportuniste dont Bonaparte aurait dit qu’il était “de la merde dans un bas de soie”. Il servit tous les régimes, et les trahit tous. En avril 1814, après la capitulation de Paris et l’abdication de Napoléon, il reçut chez lui le tsar Alexandre 1er afin de le convaincre de favoriser la restauration de la monarchie, à laquelle en fait peu de gens souscrivaient alors.

Charles-Maurice de Talleyrand Périgord, le "Diable boiteux" ►

Revenons une dernière fois sur la place


Toutes les Statues représentant les villes de France sont tendues de noir lors de l’entrée des prussiens dans Paris le 1er mars 1871, en signe de deuil pour la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine aux termes de la capitulation. Le socle de celle de Strasbourg en particulier est jonché de violettes.
Mais 150 000 personnes se rassembleront devant cette même statue le 17 novembre 1918 pour fêter le retour à la France de ces deux provinces.

Statue de Strasbourg pendant la guerre de 14-18

C’est place de la Concorde qu’eut lieu la première manifestation internationale du 1er mai pour les 8 heures de travail quotidien, en 1890.
Les F.T.P.-M.O.I. y organisèrent plusieurs attentats à l’explosif en 1942 contre l’armée allemande occupante.
Et de violents combats s’y déroulèrent pendant la Libération de Paris.

Fin du parcours


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